Les facettes de la formation à distance |
Thème 2 : Spécificité de l'enseignement à distance |
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L’enseignement à distance n’est pas de même nature que l’enseignement en présence. Il demande la mise ne place de moyens spécifiques et suppose le développement de compétences particulières de la part des enseignants et des étudiants. Si par le passé la communication passait essentiellement par voie postale, le développement et la généralisation des technologies de l’information et de la communication ont profondément changé la situation. Pour mettre en place un service d’enseignement à distance, les universités doivent mettre en place une infrastructure technique et une organisation spécifiques.
Une université qui souhaite mettre en place des enseignements à distance doit dans un premier temps réfléchir à l’organisation institutionnelle qui va soutenir cette activité. Même si quelques exemples peuvent être trouvés, il est en effet assez difficile sur les seuls moyens des composantes de mettre en place des enseignements à distance. Cela passe le plus souvent par une un service dédié. Plusieurs choix sont possibles chacun avec ses avantages et ses inconvénients.
La plupart des universités s’appuie sur un service commun dédié à l’enseignement à distance. La première mission de ces services est de dispenser des enseignements universitaires à distance. Pour cela, ils définissent les adaptations nécessaires des maquettes de diplômes ou élaborent une offre de formation spécifique. Le choix d’un service commun permet de regrouper les moyens techniques, technico-pédagogiques et administratifs tout en permettant une articulation étroite avec autres les composantes (UFR, service de formation permanente).
COMETE |
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Le service commun COMETE (Centre Optimisé de MEdiatisation et de Technologies Educatives) est né en juin 2002. Il est appelé à fédérer les activités liées aux technologies éducatives, pour l'ensemble des composantes et des diplômes de l'Université. Ses missions
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Outre la mise en œuvre des formations à distance, ces services ont également souvent en charge l’accompagnement des enseignants dans le développement de la pédagogie numérique. La proximité des ressources techniques et des ingénieurs pédagogiques permet d’offrir un appui efficace aux projets des équipes d’enseignants pour la mise à distance des formations. La centralisation au sein d’un service commun favorise l’implication de tous les enseignants, la mutualisation et le partage d’expérience.
Les universités font rarement le choix de regrouper les activités d’enseignement à distance au sein d’une composante de type UFR ou institut. Ce type d’organisation institutionnelle présente quelques avantages, notamment de pouvoir affecter des enseignants qui y investissent la majorité de leur temps statutaire et ainsi jouent un rôle moteur au sein de l’établissement et de disposer d’une équipe administrative spécifique. Cette solution ne facilite cependant pas toujours l’articulation avec les autres composantes qui ne voient pas toujours favorablement la transposition à distance de leurs diplômes ailleurs que chez eux. Il n’est par ailleurs pas toujours facile de lui faire jouer le rôle de composante de service au profit des autres UFR.
L’institut d’enseignement à distance (IED) de l’université Paris 8 constitue une exception dans le paysage universitaire de l’enseignement à distance. C’est un des rares exemples où l’enseignement à distance a été confié à une composante de l’université ayant un statut d’institut. |
L’enseignement à distance nécessite moins de salles de cours ou d’amphi mais doit se doter d’une infrastructure technique spécifique. La communication passe principalement par des moyens informatiques. Il est donc nécessaire de disposer de serveurs qui seront dupliqués afin de garantir la continuité de service. Il faut également mettre en place un ENT et une plate-forme d’enseignement afin de pouvoir gérer les contenus et les échanges entre enseignants et étudiants.
Cette infrastructure technique peut ou non être distincte de celle du reste de l’université. La solution distincte présente l’avantage de décentraliser la gestion ce qui permet une meilleure prise en compte des besoins spécifiques. Pour les serveurs le choix de la mutualisation impacte peu les usagers ; cela peut cependant poser des problèmes de cohérence pour les ENT notamment dans les cas de formations hybrides mêlant enseignements en présentiel et à distance.
Le public qui choisit l’enseignement à distance n’est pas le même que celui qui vient à l’université. Il ne possède pas les mêmes caractéristiques sociologiques, ni les mêmes motivations et a besoin d’acquérir des méthodes de travail spécifiques.
D’un point de vue sociologique, le portrait moyen de l’étudiant à distance est une femme, entre 35 et 40 ans, insérée professionnellement, souvent en charge de famille et ayant quitté le lycée ou l’université depuis de nombreuses années. Ses motivations sont principalement soit la reconversion professionnelle, soit le complément de formation.
Pour suivre avec succès un enseignement à distance, notre étudiant moyen doit conjuguer avec plusieurs contraintes qui sont souvent la cause d’abandon en début de cursus et à quelques exceptions près, imposent un allongement de la durée des études.
Pour répondre efficacement aux spécificités des publics à distance, il est indispensable de prévoir des modalités spécifiques d’accueil et une formation des personnels administratifs et enseignants.
L’étudiant à distance a souvent du mal à identifier l’interlocuteur adéquat du fait de la distance et de sa fréquente indisponibilité aux heures de bureau. Il est donc indispensable de prévoir un dispositif d’orientation et de suivi des demandes. A défaut d’identifier la bonne personne, l’étudiant à distance à tendance à solliciter tout le monde au risque de surcharger les boites aux lettres et de voir sa demande prise en charge par personne.
Plusieurs pistes, non exclusives, sont possibles pour renforcer le dispositif d’accueil des étudiants : personnels dédiés, tutorats, permanences téléphoniques et/ou forum dédiés. Il est également essentiel d’avoir une réflexion sur la nature des demandes afin de corriger le fonctionnement lorsque c’est possible et d’anticiper ces demandes.
L’organisation de l’accueil à l’IED de Paris 8 |
Avec ses 5000 étudiants, l’accueil des étudiants pose des difficultés particulières d’organisation qui ont demandé la coordination de multiples dispositifs. Le premier accueil et l’orientation des demandes sont assurés par un pôle accueil constitué de trois personnes assurant le tri et l’information préalable et le routage de tous les appels téléphoniques. Le suivi des demandes est assuré par un dispositif informatique permettant l’affectation des demandes, l’envoi de réponses automatiques pour les demandes les plus courantes et un suivi statistique de la nature des demandes. Les personnels administratifs assurent en complément une permanence d’une demi-journée par semaine. Par ailleurs des tuteurs, ayant tous fait leur licence à l’IED, se relaient tous les jours de la semaine, de décembre à mai, au téléphone et sur un forum dédié pour dispenser aides et conseils méthodologiques. |
La spécificité des publics distants rend indispensable une formation des personnels enseignants et administratifs. Ceux-ci doivent savoir utiliser les outils numériques mis à disposition des étudiants afin d’interagir efficacement avec eux. Il est également important qu’ils aient une bonne connaissance des spécificités des publics qu’ils accueillent. Plus encore qu’en présentiel, il est nécessaire que personnels enseignants et administratifs aient une connaissance réciproque de leur travail afin d’être en mesure de répondre efficacement aux étudiants en cas de mauvais aiguillage des demandes ou dans le cas où règles de scolarité, contraintes administratives et activités pédagogiques sont liées (organisation des regroupements, des examens, communication des décisions de jury).
On trouve plusieurs types de formations à distance. Certaines sont des diplômes initialement construits pour le présentiel, puis adaptés à la distance. D’autres sont des formations spécialement construites pour la distance et exclusivement dispensés selon ce mode. Dans tous les cas, il est nécessaire de penser des formes d’enseignement spécifiques. Il est cependant difficile de donner des règles générales pour transposer un enseignement vers la distance. Dans certains cas, les difficultés liées à la gestion des groupes peuvent conduire à réduire le nombre d’options. Pour certains cours, la transposition à distance peut s’avérer insatisfaisante et il vaut mieux les proposer en présentiel. Dans de nombreux cas, la mise à distance oblige à repenser le cours, le rôle de l’enseignant et l’activité de l’étudiant. Le résultat est une pédagogie renouvelée qui permet alors d’aller plus loin qu’un dispositif traditionnel en présentiel.
L’exemple de la licence d’informatique à l’IED (Université Paris8) |
La licence d’informatique de l’IED est une version à distance de la licence enseignée en présentiel dont elle partage les caractéristiques, notamment la présence importante de la programmation dès la première année et l’utilisation des mathématiques non comme discipline autonome mais comme un outil dans l’étude de l’informatique. La licence de l’IED suit la maquette ordinaire avec la particularité que la mineure – dont le choix est libre en présentiel parmi les mineures de l’université – est obligatoirement la psychologie. |
Burton et al (2011) ont étudié la diversité des dispositifs hybrides d’enseignement. Leur étude est parfaitement transposable aux formations présentées comme entièrement à distance dans lesquelles il y a toujours peu ou prou des moments en présentiel. Ils sont mis en évidence sur un ensemble de dispositifs cinq dimensions distinctives : l’articulation présence/distance, l’accompagnement ; le type de médiatisation (outils et support) le type de médiation (nature des relations enseignant/enseigné) et l’ouverture (diversité des méthodes et recours à des ressources externes). Ils proposent de distinguer six catégories allant du dispositif le moins développé à celui qui est le plus développé comme présenté ci-dessous :
Figure 1 La comparaison des dispositifs d’enseignements hybrides d’après Burton (2011)
Le tableau ci-dessus montre les caractéristiques de chaque type de formation au regard des cinq dimensions et de leurs composantes. Les six types proposés par les auteurs ne constituent pas une hiérarchisation des dispositifs de formation. Ils illustrent la diversité des approches de l’enseignement à distance en fonction des objectifs et spécificités technique et organisationnelles de chaque établissement et de chaque formation.
Quel que soit le mode d’enseignement choisi, il est très rare que la préparation des cours soit faite au fil de l’eau comme cela peut-être le cas en présentiel Enseigner à distance nécessite en général une préparation beaucoup plus importante, notamment pour la production des supports pédagogiques qui font souvent l’objet d’une scénarisation et d’une mise en cohérence des cours avec le respect d’une charte éditoriale et graphique. Cela suppose un travail d’élaboration collective qui demande souvent une bonne année avant la mise en place de la formation. On peut utiliser pour la diffusion des cours des outils synchrones (classes virtuelles, chat ou visioconférence) ou asynchrones (enregistrement vidéo, site web). Cela dépend à la fois des moyens techniques disponibles, de l’interactivité souhaitée et de la façon dont est pensée l’activité de l’étudiant sur ces contenus.
On ne dispense pas un cours à distance comme en présentiel. Ainsi la préparation d’un exposé à l’aide d’un logiciel de présentation peut être sonorisé et ensuite diffusé sous forme de vidéo. Ce qui revient à faire un cours magistral. Cependant si ce cours est construit comme en présentiel, il peut être très contre-productif. Pour les supports audiovisuels, des séquences courtes sont préférables. La répartition de l’information entre l’image et la voix est importante. Trop de redondance risque de développer le désintérêt de l’auditeur (pensez à l’effet que produit sur vous la conférence d’un collègue qui lit sa présentation à l’écran), trop peu de redondance risque de disperser l’attention de l’étudiant.
Paradoxalement, de nombreux enseignants considère qu’à la faveur de l’usage des nouveaux moyens de communication comme les forums, les chats ou le mail, l’interaction dans un cours à distance réduit la distance interpersonnelle. De fait, l’activité de l’enseignant est très différente dans ce type de cours, surtout si les contenus sont déjà élaborés et diffusés via une plate-forme.
L’usage des forums permet de poser beaucoup plus directement ses questions à l’enseignant, aux autres étudiants, de discuter les réponses ou d’élaborer à leur suite de nouvelles questions. Autant d’interactions qu’on trouve difficilement dans un cours magistral traditionnel.
L’enseignant n’a plus seulement à élaborer le contenu du cours et/ou à l’exposer devant ses étudiants. L’activité de l’enseignant s’oriente donc davantage vers l’accompagnement. Il a la tâche d’organiser leurs activités pour permettre l’appropriation de ces contenus. Ces activités demandent souvent aux étudiants un important travail d’élaboration. Il peut s’agir de la constitution de projet, la recherche et la mise en forme d’information, la rédaction collaborative ou non de document ou de blog. La valeur ajoutée peut être importante pour l’étudiant, mais aussi pour l’enseignant.
Les études à distance attirent beaucoup d’adultes en reprise d’étude ayant quitté le lycée ou l’université depuis longtemps. Ils doivent donc construire ou reconstruire des méthodes de travail adaptées à cette forme de travail. Plusieurs universités ont mis en place des dispositifs spécifiques d’accompagnement. Ces derniers peuvent être ou non intégrés dans les diplômes, s’adresser à tous les étudiants ou seulement à certaines catégories (formation continue, étudiants étrangers etc.). Dans tous les cas, il est important de permettre à ces étudiants d’acquérir les compétences de base sans lesquelles il risque de se trouver en situation d’échec.
Les clés de la réussite (PRES Sorbonne Paris Cité ; Université Paris 8) |
Né d’une volonté commune de répondre aux difficultés rencontrées par les publics en reprise d’études et plus largement par tous les étudiants, des services de formation continue des établissements du PRES Sorbonne Paris Cité (INALCO – Sorbonne Nouvelle Paris 3 – Descartes Paris 5 – UPMC Paris 6 – Denis Diderot Paris 7 – Paris 13-Nord) et le service de la formation permanente Paris 8 Vincennes Saint-Denis ont développé un dispositif d’aide à la méthodologie du travail universitaire ayant pour objectif l’aide à la réussite du plus grand nombre. Ce dispositif baptisé « les clés de la réussite » propose une aide à tous les étudiants en reprises d’études. |
Parce qu’ils utilisent beaucoup les outils numériques et que la distance nécessite de penser différemment l’enseignement, les services ou les composantes qui en ont la charge constituent dans de nombreux établissements un lieu de réflexion et d’innovation pédagogique. Il est donc important de penser l’adossement à la recherche. Ce lien est naturel lorsque le contenu de la formation peut-être liée à ce type d’enseignement, par exemple en science de l’éducation, en communication ou en ingénierie pédagogique. Il est également important de le penser pour les autres domaines et d’imaginer les dispositifs à mettre en place y compris à licence pour permettre l’irrigation de l’enseignement à distance par la recherche à la fois dans l’innovation pédagogique et dans la formation à et par la recherche.
L'interface d'expérimentation à distance est un site dédié à l'enseignement de l'expérimentation dans le cadre du cursus de psychologie à l'Institut d'Enseignement à Distance de l'Université de Paris 8. Son but est d'initier les étudiants à la psychologie expérimentale et à l'analyse de données en proposant aux étudiants de paramétrer leur propres expériences sur la base d'expériences classiques de façon conviviale (aucune connaissance en programmation n'est requise) et en analysant leurs propres données. |