Les facettes de la formation à distance



Thème 6 : Accompagnement et suivi à distance


Accompagner, suivre, animer

La formation à distance remet en cause la place de l'enseignant dans un processus de formation. Dans le système traditionnel où les étudiants et l'enseignant sont physiquement réunis, le rôle du formateur est assez clair et défini en terme de service par les textes émanant de la tutelle publique : cours magistraux pour l'ensemble d'un effectif d'étudiants, travaux dirigés et pratiques en groupes.
A distance, il est plus difficile de définir le service pédagogique d'un enseignant. Une chose est sûre : d'une manière ou d'une autre, l'enseignant doit être "présent". Certes, des dispositifs de formation ont été imaginé sans enseignants. Ils sont basés sur une approche pédagogique  en général très élaborée s'appuyant sur des ressources  imprimées ou en ligne et ont nécessité une ingénierie pédagogique très importante. Toutefois, ils sont conçus pour un apprenant "moyen". On pourrait les qualifier de "prêt à porter".
Cependant, chaque enseignant sait bien que les étudiants ne sont pas tous de même niveau, n'apprennent pas à la même vitesse et nécessitent pour certains d'entre eux  un accompagnement ou un appui leur permettant de surmonter des obstacles qui leur sont propres. Le tutorat, de manière générale, permet d'apporter le soutien à ces étudiants pour qu'ils arrivent au succès. L'objectif du tutorat est bien d'amener TOUS les étudiants à l'acquisition des connaissances et compétences. Bien au contraire des nouveaux dispositifs proposés outre atlantique à un public de masse (les MOOC : Massive Open Online Courses) où quelques pourcents des inscrits finalisent leur formation, le tutorat est basé sur une pédagogie de la réussite et non de la sélection.
Dans Smidts et al. (in Actes du 2ème colloque ENSIETA et ENST Bretagne, Brest, juin 2003), le tutorat est caractérisé par le sigle CQFD : Conduire, Questionner, Faciliter, Diagnostiquer ce qui montre que  le tutorat est une réalité complexe dans laquelle plusieurs rôles sont dévolus aux enseignants distants.
Par ailleurs, dans l'enseignement universitaire traditionnel (séculaire, en présence, uniforme), on pourrait qualifier le rôle de l'enseignant comme auteur, compositeur, interprète. Auteur, car l'enseignant rédige ses notes de cours pour son intervention, Compositeur car il choisit la manière dont il va aborder les différentes notions ou les différents concepts pour les exposer à ses étudiants ou bien il va choisir les activités les plus pertinentes pour les travaux dirigés ou pratiques, Interprète car il va "chanter" en solo son cours dans la salle de classe ou l'amphithéâtre.
A distance, la situation est radicalement différente : l'auditoire n'est pas présent en masse, l'environnement fait intervenir d'autres corps de métiers (techniciens informatiques, audiovisuels, multimédias, animateurs-coordinateurs, ingénieurs pédagogiques, …) et se place dans un univers fortement technologique avec emploi d'outils numériques (plateforme d'e-formation, éditeurs de ressources, classes virtuelles, visioconférence, …).
La complexité des rôles du "tuteur" s'exprime par plusieurs dénominations comme (Massé, 1998, Pommay, 2006) : Conseiller, Instructeur, Partenaire, Facilitateur, Formateur, Modèle, Observateur réflectif, Conseiller technique, Expert.  On trouvera dans la littérature en sciences de l'éducation de nombreux articles explicitant, chacun à sa manière et avec son propre vocabulaire ce qu'est le tutorat. Nous nous conterons ici de concepts simples et pratiques.

Notons tout d'abord que le tutorat n'est pas spécifique à la formation à distance. Il existe aussi en formation en présence mais son rôle, dans ce cas, est minimal dans la mesure où la présence des enseignants et surtout des autres étudiants  permet de surmonter la plupart des obstacles rencontrés lors d'un parcours de formation.  A distance, apparaît un concept primordial : l'autonomie. Quand on est seul devant son ordinateur connecté, on peut se décourager assez vite et même abandonner la formation si on n'a pas de réponses à ses interrogations ou si l'environnement n'incite pas à "s'accrocher". De fait, on peut constater une tendance à l'abandon plus importante à distance qu'en présence. Une des finalités du tutorat est donc d'éviter les décrochages, ce qui nécessite un suivi personnalisé des apprenants. On est bien ici dans le "sur mesure" et non plus dans le "prêt à porter". Bien évidemment, le tutorat, pris sous cet angle, ne peut concerner que de petits groupes d'apprenants et ne peut, en aucune manière, faire face à une massification d'apprenants.

Pour résumer ces réflexions/constatations, résumons les rôles du tuteur de la manière suivante :

Le tuteur n'est pas nécessairement un enseignant. Il peut être une personne experte du domaine de formation ayant la charge d'encadrer un groupe d'apprenant sous la supervision d'un enseignant. Des étudiants de Master ou en thèse peuvent être tuteurs ce qui leur sera toujours profitables à titre personnel. . Citons à ce propos Jan Amos Komensky Coménius (1592 – 1670) : "Les meilleurs élèves doivent aider les autres. Ils deviennent ainsi des enseignants."


Stratégies de tutorat

Dans beaucoup de dispositifs de formation à distance, le tuteur est aussi évaluateur qui est un rôle bien différent. Ce n'est pas forcément la bonne solution car il est difficile de cumuler aide et sanction ce qui amoindrit la confiance nécessaire que les apprenants accordent  au tuteur.
La situation idéale serait celle décrite par le schéma suivant

Les méthodes de tutorat sont spécifiques à un dispositif de formation à distance. Elles doivent permettre l'assistance aux apprenants selon les principes développés précédemment. Selon, les cas, le travail du tuteur peut revêtir plusieurs activités :

Cependant, il est primordial que ces activités soient organisées et fassent partie de la maquette pédagogique et que les apprenants sachent sur qui ils peuvent compter et comment le tuteur peut être sollicité.

Donnons quelques exemples illustratifs de l'organisation du tutorat.

Formation hybride

Elle est composée  d'un ensemble de séquences :  séances en présence et sessions à distance, chaque séquence ayant un objectif  et des activités définis. L'ensemble suit nécessairement un calendrier  pré-établi. Dans les schémas ci-dessous, il est supposé que les apprenants ont en ligne le calendrier , les ressources numériques supports et les activités à effectuer. La première séance (en présence) doit être l'occasion d'expliquer le mode d'emploi de la formation et les modalités de dialogue avec le tuteur.

Stratégie1

Stratégie 2

Dans les stratégies 1 et 2, les séances en présence permettent

Dans la stratégie 1, le tutorat revêt 3 formes: la correspondance privée par mail, l'utilisation d'un forum public de discussion, la concertation entre les tuteurs et l'enseignant responsable qui dans son intervention présentielle peut effectuer des mises au point suivant les remontées d'information qui lui auront été communiquées.
La stratégie 2 est assez proche de la stratégie 1 sauf que la correspondance par mail est remplacée par des sessions synchrones de chat. Bien entendu, le calendrier des chats doit être communiqué suffisamment à l'avance aux apprenants. On peut aussi remplacer le chat par une visioconférence, mais pour le confort de chacun, l'effectif participant doit être limité et par ailleurs cela suppose que les apprenants soient suffisamment équipés, notamment en débit réseau.

Formation en distance pure

Dans ce cas les formes de tutorat doivent être plus nombreuses. On peut réutiliser les techniques de la formation hybride en les panachant, voire y ajouter de nouvelles possibilités.

On peut imaginer d'autres formes de tutorat que celles indiquées sur le schéma ci-dessus, notamment la possibilité d'une permanence téléphonique. Bien entendu, on pourra toujours proposer des regroupements physiques, mais facultatifs, qui devraient faire l'objet d'un compte rendu en ligne (pour ceux qui n'ont pas pu participer).
On insistera, dans tous les cas, sur le nécessaire concertation entre les tuteurs et l'enseignant responsable.
A noter :


Enseignant ou tuteur ?

La question mérite d'être posée. Si l'on a affaire à des effectifs importants, il est évident qu'un seul enseignant ne pourra remplir le rôle de tuteur. Il doit alors travailler en concertation étroite avec des tuteurs "complets". C'est une disposition courante dans le monde anglo-saxon où le tutorat est considéré comme un métier à part entière. On signalera à ce sujet qu'au Québec, donc en francophonie,  existe même un syndicat de tuteur à la Teluq.

Les tuteurs peuvent être des étudiants avancés ce qui leur est profitable pour leur vie future. Toutefois, une formation de tuteur n'est pas à négliger si l'on veut des garanties de succès pour tous les apprenants. L'Agence Universitaire de la Francophonie a d'ailleurs mis en place une certification de tuteurs obtenue après un stage pratique de formation.

Lorsque le tuteur est enseignant chercheur, les textes réglementaires actuels ne s'opposent pas à l'intégration du service de tutorat dans le service statutaire. Il faut cependant définir la quantification de service correspondante qui peut varier suivant les formes de tutorat utilisées et les effectifs d'étudiants distants à encadrer.


Références bibliographiques et webographiques